Archives de catégorie : 3.2 Street art & artivisme

3.2.3 De l’usage citoyen des nouvelles technologies

Il s’agit de faire de son existence un texte où s’invente un mode de vie, un travail de production de soi à travers des signes et des objets : au-delà de l’art, nous voilà en présence d’un programme de résistance efficace à l’uniformisation planétaire des comportements, à ce grand verrouillage disciplinaire dont nous reconnaissons çà et là des signes avant-coureurs.[1]

L’artivisme a été initié dès 1960 par le mouvement Fluxus qui prônait un art engagé, et engageant. « Chaque homme est un artiste » dans ce concept de « sculpture sociale » cher à Beuys. L’art urbain, de par sa visibilité quotidienne, est l’art le plus accessible pour le commun des mortels. Et avec le développement des nouvelles technologies, certains artivistes se sont tournés vers l’hacktivisme, néologisme formé par la contraction des mots « hacker » et « artiviste ».

Pour éviter d’expliquer les différentes méthodes des hacktivistes, dans un jargon incompréhensible pour les novices en informatique, il est plus simple de parler d’Anonymous, ce collectif mondial dont les nombreux faits d’armes arrivent aujourd’hui à faire trembler les institutions.

Les Anonymous se servent de l’extimité comme d’une arme de dissuasion. Lorsqu’une injustice a lieu, ces hackers utilisent leurs connaissances pour s’introduire dans les ordinateurs des responsables de cette injustice et menacent de dévoiler tous les détails de leur vie privée, jusqu’à obtenir gain de cause, non sans frôler parfois un certain extrémisme, qu’ils jugent néanmoins nécessaire. Il est donc important, aujourd’hui, de protéger ses données et d’appréhender son intimité numérique de façon réfléchie et rigoureuse.

Ztohoven (les « 100 merdes » en Tchèque) est un collectif de douze artistes praguois fondé par l’artiste Antonin Pirko.

Adepte du hacking artistique, ce mystérieux groupe met la capitale praguoise sens dessus dessous. En 2003, agacé par la dérive marchande de leur pays, Ztohoven détourne plus de sept cents panneaux publicitaires. À la place, ils glissent en toute illégalité un immense point d’interrogation censé provoquer le questionnement des passants. Dans une autre performance, le collectif a organisé dans le métro praguois le vernissage d’une exposition où les œuvres d’art se substituent aux réclames. En effet, aux galeries d’art, les Ztohoven préfèrent l’espace urbain.[2]

Captures d’écran de ce qui est passé sur la deuxième chaîne de la télévision tchèque le matin du 17 juin 2007.
Le collectif Ztohoven avait piraté la caméra de la chaîne et avait incrusté une explosion nucléaire.

C’est le 17 juin 2007 que le collectif va réaliser l’une de ses actions les plus fortes. La télévision tchèque diffuse chaque matin le lever du jour pour la deuxième chaîne nationale. Ce matin-là, les artistes de Ztohoven prennent le contrôle de la caméra utilisée pour ce lever de soleil et diffusent, à la place, pendant douze secondes qui sembleront une éternité pour les téléspectateurs tchèques, une explosion nucléaire. Ils convoquent l’un des éléments les plus traumatisants de la mémoire collective.

La fiction-réalité de Ztohoven fait mouche dans ce pays qui vit dans la psychose d’un accident nucléaire avec son voisin autrichien. Les téléspectateurs harcèlent le standard de la télévision qui porte plainte pour « nouvelle alarmiste ». L’affaire est portée devant les tribunaux, les auteurs du canular sont finalement relaxés.

Dans le même temps, à Prague, la Galerie Nationale – dont le directeur n’est autre que Milan Knížák, artiviste de la première heure et membre de Fluxus – leur décerne un prix spécial assorti d’une dotation de treize mille euros. Knížák s’explique :

On leur a donné le prix parce qu’ils sont les seuls à prendre des risques, même s’ils doivent un jour aller en prison pour ça. Lorsqu’ils m’ont demandé ce qu’ils devaient faire, je leur ai dit qu’ils devaient assumer leurs responsabilités. Je leur ai d’abord donné le prix et ensuite je leur ai dit « Allez en prison ».[3]

Mais l’œuvre la plus extime créée par Ztohoven est Citoyen K, en hommage à Kafka, dont voici le manifeste.

Citoyen K. / Je suis revenu des lieux d’où je m’étais vu moi-même et j’ai compris qu’il s’agissait avant tout de nous ! Nous faisons tous partie de ce monde, nous formons tous un système et nous nous surveillons mutuellement. Nous prenons tous part à la crainte qui nous tient en respect. Pour nous tous, j’étais entré là où les autres craignaient de mettre le pied et j’avais vu cette vanité, cette absurdité de l’obéissance. Ce qui semble devoir nous servir est si fragile et si facile à abuser. Nous ne sommes pas des chiffres, nous ne sommes pas des données biométriques. Ne soyons donc pas des pantins manipulés par de grands joueurs sur le terrain de jeu de cette époque. Nous devons garder notre dignité pour ne pas avoir peur de nous-mêmes ![4]

Cette œuvre se situe au croisement de l’artivisme et de l’hacktivisme puisque c’est ici la carte d’identité biométrique qui est source de création et de détournement.

Grâce à la technique du morphing, Antonin peut mixer deux visages de membres de Ztohoven pour en obtenir un nouveau. Il mélange ensuite les informations de chacun pour obtenir légalement de vraies fausses cartes d’identité qui seront reconnues par le système biométrique. Au final, la nouvelle carte peut être utilisée par deux personnes à la fois.
Munis de leurs papiers modifiés, les Ztohoven s’amusent à manipuler le système à leur tour. Pendant plusieurs mois, camouflés sous une identité virtuelle, ils passent les frontières, font des achats, pilotent un avion, louent un appartement, votent et même se marient.

Avec un logiciel de morphing, les visages des membres de Ztohoven ont été mélangés pour créer de nouvelles identités, pour le projet Citoyen K. Le collectif a été arrêté, mais les autorités ont encore du mal à découvrir leur véritable identité.

Cette action amena évidemment à l’arrestation d’Antonin Pirko pour « délit présumé d’usurpation d’identité » et à la confiscation de leurs papiers. Mais les autorités policières peinent encore à découvrir la véritable identité des membres de Ztohoven. L’extime est ici mis à mal : en détournant les normes biométriques afin de créer de nouvelles – mais fausses – identités, les membres du collectif nous préviennent des dangers liés à la surexposition de l’intimité.


[1] BOURRIAUD Nicolas, op. cit., p. 169.

[2] Ztohoven [en ligne]. Disponible sur le site de Tracks <http://www.arte.tv/fr/tracks-artivism-canul-art/3794850,CmC=3795248.html> (consulté le 20 avril 2014)

[3] Ibid.

[4] Disponible en plusieurs langues sur le site officiel du collectif : http://www.ztohoven.com/manifest/ok_fr.html


3.2.2 L’extimité contrôlée

L’un des plus célèbres artistes urbains est l’Anglais Banksy. Sa particularité ? Personne n’a jamais vu son visage[1]. L’artiste contrôle sa visibilité, son extimité : d’abord pour des raisons légales (les graffitis restent assimilés à des actes de vandalisme) mais aussi parce que, dans le street art, l’artiste s’efface derrière sa signature. Son visage importe peu, c’est son style qui le personnifie. Lorsqu’il se montre, le street artiste a souvent le visage masqué.

Le succès du film Exit Through the Gift Shop (Faites le mur !) est dû au fait que Banksy en est le réalisateur. Mais ce documentaire, même s’il explique en partie la démarche de l’artiste, tourne principalement autour de la figure de Thierry Guetta, artiste amateur, cousin du célèbre Space Invader, qui filme de façon obsessionnelle, à l’instar de Jonas Mekas, tous les moments de sa vie.

À mesure qu’il filme de manière compulsive la nouvelle génération de l’art urbain, son obsession pour Banksy, le célèbre pochoiriste britannique se fait plus dévorante. Ils se rencontrent enfin. Banksy incite Guetta, au vu de la médiocrité de ses productions audiovisuelles, à se tourner vers l’art urbain. C’est alors que naît Mr. Brainwash.[2]

Ce qui est intéressant ici, c’est qu’à la fin du documentaire, Banksy se désolidarise considérablement du « monstre » qu’il venait de créer. Il aurait très bien pu ne pas laisser faire le film, mais la réputation d’un street artiste étant une arme importante, il préféra s’expliquer, non sans un certain humour, sur les raisons qui l’ont amené à « lâcher la bête » qui, soulignons-le, connaît tout de même un relatif succès. 

Parlons maintenant de Kidult, ce taggeur / sculpteur, célèbre pour avoir « vandalisé » les vitrines des magasins de luxe aux quatre coins du globe, et pour être une figure particulièrement intéressante de l’activisme artistique, l’artivisme :

The artivist (artist +activist) uses her artistic talents to fight and struggle against injustice and oppression—by any medium necessary. The artivist merges commitment to freedom and justice with the pen, the lens, the brush, the voice, the body, and the imagination. The artivist knows that to make an observation is to have an obligation.[3]

Cette obligation, Kidult l’explique dans son manifeste[4] :

Graffiti is not simply an artistic expression, graffiti is a protest, a scream of anger which has always claimed the right to the city through (re)appropriation of the commons and the public spaces, including streets, walls, and vehicles of transportation. Streets are in the hands of all and through graffiti, I aim to claim both the gratuity and access to my production. The streets are the main support of my protest and the biggest free art gallery. […]
At the core of this struggle lies the brutal opposition of two different visions of graffiti, the commercial graffiti and the free graffiti that I defend.
The cities are the theater of a battle for space, a battle in which I try to expose my vision of the world, and destroy theirs. My extinguishers, paint and spray cans are my weapons of mass destruction. They may have all the money in the world; they will never win in the streets because we are the streets!
[…] I am not the one who declared the war, I just responded to defend my vision of what graffiti and society should be, free. […][5]

Un des « Exstincteurs » de Kidult

L’activité de sculpteur de Kidult réside dans la série des « Ekstincteurs », une réappropriation des extincteurs dont se servent parfois les artistes urbains pour peindre leurs œuvres sur des grandes surfaces. Ces extincteurs, en nombre limité, Kidult les offre au monde : il publie leurs coordonnées sur son site et lance une chasse au trésor mondiale. C’est, par exemple, à l’occasion de l’ouverture de la FIAC 2013 que les fans français ont pu participer.  Mais ce qui est intéressant dans l’œuvre de Kidult, c’est sa réaction après avoir appris que l’un de ses extincteurs s’était retrouvé sur eBay. Cette vente étant totalement en désaccord avec le manifeste de l’artiste, celui-ci a décidé de créer une structure pour sa propre promotion : NoGalleryNoMaster.

[…] Just like graffiti, my work is public, and not private. NoGalleryNoMaster was created so that we can choose and select how my work is sold and distributed, in accordance with very specific criteria.
Kidult is not represented by any  gallery or institution.
We will refuse any sale or collaboration involving galleries, institutions or any other for-profit artistic entities, which enables me to keep unrestrained artistic vision, independence and freedom.[6]

Kidult est un artiste dont l’extimité rigoureuse établit un rapport clair : l’art urbain est un art engagé socialement, que tout le monde ne peut pas jouer s’il n’en connaît pas les codes.  


[1] Enfin, en théorie, puisqu’avec internet, tout est possible.

[2] Synopsis du film issu de Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Faites_le_mur_!

[3] ASANTE M.K. Jr, It’s Bigger Than Hip Hop, The Rise of the Post-Hip-Hop Generation. 2009. Traduction personnelle : « L’artiviste utilise ses talents artistiques pour se battre et combattre les injustices et l’oppression, par tous les média nécessaire. L’artiviste fusionne l’engagement avec le stylo, l’objectif, le pinceau, la voix, le corps et l’imagination. L’artiviste sait que faire une observation, c’est avoir une obligation. »

[4] Manifeste de Kidult [en ligne]. Disponible sur <http://kidultone.com/?page_id=381> (consulté le 28 juin 2014)

[5] Voir Annexe 4 pour lire l’intégralité du manifeste de Kidult. Traduction personnelle : « Le graffiti n’est pas seulement une expression artistique, le graffiti est une protestation, un cri de colère qui a toujours revendiqué le droit à la ville par la (ré)appropriation des lieux publics et communs, ce qui inclut les rues, les murs et les véhicules de transport. Les rues sont aux mains de tous et, par le graffiti, j’entends revendiquer la gratuité et de ma production et de son accès. Les rues sont le principal support de ma protestation et le plus grand musée d’art libre. […]

Au cœur de ce combat réside l’opposition brutale de deux visions différentes du graffiti, le graffiti commercial et le graffiti gratuit que je défends.

Les villes sont le théâtre d’une bataille pour l’espace, une bataille dans laquelle j’essaie d’exposer ma vision du monde et détruire la leur. Mes extincteurs, ma peinture et mes bombes de peinture sont mes armes de destruction massive. Ils peuvent avoir tout l’argent du monde, ils ne gagneront jamais dans les rues parce que nous sommes les rues.

[…] Je ne suis pas celui qui a déclaré la guerre, j’ai juste répondu pour défendre ma vision de ce que le graffiti et la société devraient être : gratuits. […] »

[6] KIDULT, NoGalleryNoMaster, [en ligne]. Disponible sur <http://nogallerynomaster.com> (consulté le 21 mai 2014). Traduction personnelle : […] « Tout comme le graffiti, mon travail est public, et pas privé. NoGalleryNoMaster a été créé pour que nous puissions choisir et sélectionner comment mon travail sera vendu et distribué, en respectant des critères très spécifiques.

Kidult n’est représenté par aucune galerie ni aucune institution.

Nous refuserons toute vente ou collaboration impliquant des galeries, des institutions ou n’importe quelle autre entité artistique tournée vers le profit, ce qui me permet de garder une vision, une indépendance et une liberté artistique libre de toute contrainte.».


3.2.1 Les graffitis, une grotte de Lascaux contemporaine

Nous avons vu que l’extimité revêtait beaucoup de supports. L’un des endroits les plus visibles est bien entendu le paysage urbain : la ville est l’endroit le plus simple pour exprimer ses idées, que ce soit dans le cadre de performances, de mise en scène du quotidien ou dans l’expression picturale la plus évidente, le graffiti. L’art urbain (plus communément appelé street art) est apparu dans les années soixante (Jean-Michel Basquiat aimait déjà parcourir les rues de New York et apposer sa signature SAMO), a connu un essor considérable dans les années 1980 et connaît une visibilité grandissante depuis le début du XXIème siècle. L’important pour les graffeurs est de laisser leur trace, leur signature, leur tag, sur tous les murs de la ville.

« André le Géant a une bande de potes,
7 pieds 4 pouces, 520 livres » (1989)

Shepard Fairey est l’un des street artistes les plus populaires aujourd’hui, même si c’est plus généralement sa « marque », OBEY Giant, qui reste en tête. L’aventure d’Obey commence en 1989 quand le jeune Shepard Fairey, étudiant en graphisme, décida de créer un autocollant utilisant une photo usée d’un catcheur français, André Roussimoff – plus connu sous le nom d’André The Giant – en lui apposant le texte « ANDRE THE GIANT HAS A POSSE, 7’4″, 520lb » (André le Géant a une bande de potes, 7 pieds 4 pouces, 520 livres). En 1998, menacé de poursuites par l’entreprise qui détenait les droits de la marque déposée André The Giant(™), Shepard Fairey décide de styliser la figure du catcheur et de changer le texte en un simple mais non moins mystérieux OBEY, en référence au panneau qu’on voit dans le film They live (Invasion Los Angeles) de John Carpenter. Dans ce film, le héros, grâce à des lunettes spéciales, voit « le monde tel qu’il est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres ayant l’apparence d’humains et maintenant ces derniers dans un état apathique au moyen d’une propagande subliminale omniprésente [1]».

La deuxième (et dernière) version de l’autocollant qui fera connaître Shepard Fairey (1998)

Cet autocollant, il le colla partout. Et plus le temps passait, plus le format de l’image grandissait, plus Shepard Fairey montait haut pour qu’il soit bien visible, et ce de façon mondiale.

Pour définir son œuvre, l’artiste a publié un manifeste, disponible sur son site internet[2] :

The OBEY sticker campaign can be explained as an experiment in Phenomenology. Heidegger describes Phenomenology as “the process of letting things manifest themselves.” Phenomenology attempts to enable people to see clearly something that is right before their eyes but obscured; things that are so taken for granted that they are muted by abstract observation.

The FIRST AIM OF PHENOMENOLOGY is to reawaken a sense of wonder about one’s environment. The OBEY sticker attempts to stimulate curiosity and bring people to question both the sticker and their relationship with their surroundings. Because people are not used to seeing advertisements or propaganda for which the product or motive is not obvious, frequent and novel encounters with the sticker provoke thought and possible frustration, nevertheless revitalizing the viewer’s perception and attention to detail. The sticker has no meaning but exists only to cause people to react, to contemplate and search for meaning in the sticker. Because OBEY has no actual meaning, the various reactions and interpretations of those who view it reflect their personality and the nature of their sensibilities.

L’extimité de Shepard Fairey amène donc le regardeur à se poser des questions sur sa propre vie.

Il existe aujourd’hui de plus en plus d’associations d’art urbain, le collectif étant la version contemporaine du groupe de graffeurs qui se promenaient dans les rues à la recherche du meilleur « spot ». Attardons-nous sur la galerie Itinerrance, galerie de street art dans le treizième arrondissement de Paris, dirigée par Mehdi Ben Cheikh, qui a doublement fait parler d’elle ces dernières années. Très récemment, le projet Djerbahood a attiré l’attention des média, à l’instar d’Arte – souvent partenaire de ce genre d’événements – qui a produit, pour l’occasion, la série Bienvenue à Djerbahood,

qui vous embarque en Tunisie, dans le village traditionnel et sublime d’Erriadh sur l’île de Djerba en immersion avec les artistes qui participent au nouveau colossal projet de la galerie Itinerrance : Djerbahood. Après la Tour Paris 13, c’est sur sa terre natale que Mehdi Ben Cheikh se lance, avec toute son équipe, dans un nouveau défi : faire venir 150 artistes de plus de 30 nationalités cet été dans ce village tout en bleu et blanc. Ces artistes vont s’exprimer in situ et investir les murs d’un village qui touche après touche, jour après jour va se métamorphoser. Une aventure qui éveille la curiosité des habitants comme de ses touristes, une expérience inoubliable aussi pour les artistes : Bienvenue à Djerbahood.[3]

 Le projet de faire d’un endroit un véritable musée d’art urbain à ciel ouvert avait déjà été réalisé par la galerie l’année dernière, à la Tour Paris 13, une tour de Paris vouée à la démolition. En attendant l’échéance de la destruction, la galerie a investi la tour, l’occasion était trop belle pour ne pas être saisie : plus de 4 500 m2 de surface au sol et autant de pans de murs et plafonds, 9 étages et des sous-sols, 36 appartements de 4 à 5 pièces, parfois encore meublés.

Un projet mené des mois durant dans la plus grande confidentialité par la Galerie Itinerrance, avec le soutien de la Mairie du 13ème et l’accord du bailleur de l’immeuble, ICF Habitat La Sablière. Un projet qui a mobilisé 108 artistes de Street Art, de 18 nationalités différentes, venus bénévolement des quatre coins du monde, pour investir cette tour avant sa destruction le 8 avril 2014, pour laisser place à de nouveaux logements sociaux. Un projet en cohérence totale avec le mouvement du Street Art, puisqu’à la fin, tout disparaitra dans les gravats.[4]

L’extimité dont il est question ici, c’est celle des artistes urbains à qui l’on offre, une fois n’est pas coutume, un support de création légal. Même si le côté éphémère des peintures urbaines perdure – la Tour restant vouée à la destruction -, c’est en toute liberté que peuvent s’exprimer ces artistes.


[1] Synopsis du film issu de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_Los_Angeles

[2] Manifeste de Shepard Fairey [en ligne]. Disponible sur <http://www.obeygiant.com/articles/manifesto>. Voir Annexe 3 pour l’intégralité du manifeste. Traduction personnelle : « La campagne d’autocollant OBEY peut être expliquée comme étant une expérimentation en phénoménologie. Heidegger décrit la phénoménologie comme « le fait de laisser les choses se manifester d’elles-mêmes ». La phénoménologie tente d’aider les gens à voir d’une nouvelle manière quelque chose qui est sous leurs yeux depuis longtemps. De nos jours, tout est tellement pris pour acquis que tout est mis sous silence par l’observation abstraite.

Le but premier de la phénoménologie est de réaffirmer un sentiment d’émerveillement sur son environnement, de révéler au sein de l’ordinaire une beauté inattendue. La campagne d’autocollant OBEY tente de stimuler la curiosité et d’amener les gens à se questionner sur la campagne ET leur relation avec leur environnement. Parce que les gens ne sont pas habitués à voir des publicités ou de la propagande pour lesquelles le produit ou le motif ne sont pas évidents, des rencontres fréquentes et originales avec le logo et le concept inciteront à la réflexion, peut-être même à la frustration, ce qui aura pour finalité de pousser le spectateur à réactualiser sa perception et son attention aux détails. L’autocollant n’a d’autre signification que de faire réagir les gens, en les invitant à contempler l’autocollant et en y cherchant un sens. Parce qu’OBEY n’a aucun sens, les réactions et interprétations variées de ceux qui le voient sont le reflet de leur personnalité et de la nature de leur sensibilité. »

[3] Bienvenue à Djerbahood [en ligne]. Disponible sur le site d’Arte Creative <http://creative.arte.tv/fr/djerbahood> (consulté le 10 août 2014)

[4] La Tour Paris 13 [en ligne]. Disponible sur le site de la galerie <http://itinerrance.fr/hors-les-murs/la-tour-paris-13/> (consulté le 20 décembre 2013)